Page 2

Sommaire

ENCHAINE PAR L’AMOUR

La douleur et les blessures de mon corps étaient guéris, mais les témoignages d’amour des chrétiens et les effets de la brochure demeuraient. Je sentais que quelque chose me contraignait à renouer cette communion et je décidai de rencontrer à nouveau mes amis. Alors que je me mis en route, des parents et des voisins m’aperçurent, et j’en redoutais les conséquences. En fait, j’avais pris la décision de quitter le village. Arrivé chez le missionnaire, je lui fis part de mes problèmes, je montrai les cicatrices de mes blessures et je lui demandai de m’aider à rejoindre, à Mysore, ma sœur mariée. Ma sœur m’aimait bien, elle et son mari me recevraient avec bonté. Le missionnaire conseilla cependant de retourner à la maison. Il me dit que lorsque je serai plus âgé, je pourrais partir, mais qu’en attendant, je devais vivre paisiblement à la maison, et que, en grandissant dans la foi et dans l’amour, je pourrais influencer ma famille et mes amis. Il me dit que Dieu serait mon Sauveur, mon protecteur et mon ami.

Comme il faisait nuit et que j’avais peur, je lui demandai la permission de passer la nuit dans la salle de lecture chrétienne; j’y restai tout le lendemain avec mon ami Monsieur George. Sachant que j’étais là, quelques personnes de mon village vinrent avec la police pour me chercher. Ils demandèrent à George de me rendre et l’accusèrent même de m’avoir enlevé. Il leur répondit: « Alavi est ici de sa propre volonté. Vous pouvez le prendre mais ne le battez plus jamais. » Lorsque quelques musulmans furent arrivés dans la salle de lecture pour aider leurs amis chrétiens, une querelle s’engagea entre musulmans. J’en profitai pour m’enfuir par la porte de derrière, m’engageant dans un champ et sautant dans un canal tout proche, comme si j’allais prendre un bain.

Un peu plus tard, quelques musulmans me découvrirent et me conduisirent dans une salle de lecture musulmane appelée « Mapilla Nadu » où ils me posèrent beaucoup de questions, en criant contre moi en me traitant avec cruauté. Pendant ce temps, ma mère me cherchait aux différents endroits où nous avions de la famille. C’est ainsi que le frère de mon beau-frère me trouva et me délivra de mes ravisseurs. Dès que nous fûmes rentrés chez nous, mon père envoya ma petite sœur chercher mes oncles, pendant qu’une foule de gens se rassemblait devant la maison.

Lorsqu’ils furent tous arrivés, mon père demanda à chacun: « Qu’allons-nous faire d’Alavi ? Nous avons fait de notre mieux pour l’éloigner de l’influence chrétienne. Que pourrions-nous faire d’autre? » Le premier oncle conseilla à mon père de me tuer en me coupant la gorge, le second proposa la même chose, d’une manière plus catégorique. Le troisième eut une idée différente. Il suggéra de me faire mourir de faim. En me tuant comme les deux premiers l’avaient suggéré, toute la famille irait en prison. Alors ma mère se mit à crier: « Tuez-moi la première et mon fils après! », ce qui me fit pleurer à chaudes larmes. Je ne peux exprimer la douleur et la crainte qu’il y avait dans mon cœur pendant que je me demandais ce qu’ils allaient faire de moi. Le groupe suivit le conseil du troisième oncle. Un de mes oncles me battit alors cruellement jusqu’au moment où mon père intervint pour le faire cesser. Mon père m’attacha les mains derrière le dos et je restai ainsi, rejeté, durant trois semaines. Il ordonna de ne me donner de la nourriture qu’une fois par jour, mais en son absence, ma mère m’en donnait de temps en temps.

Un jour, mon père et son jeune frère vinrent me voir, accompagnés d’un forgeron. Mon oncle me demanda à nouveau de confesser le credo musulman devant mon père, mais je ne pus articuler aucune parole. Ma mère, mes sœurs et ceux qui étaient là me crièrent de le réciter, mais j’en étais incapable. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, il m’était impossible de parler. Finalement, comme il en avait reçu l’ordre, le forgeron mit deux anneaux de fer et une chaîne à mes jambes et les verrouilla. Je restai enchaîné ainsi les six semaines qui suivirent. Mon ancien ami, Abdullah, qui avait déchiré sa brochure, vint me voir et me demanda ce qui m’avait conduit là. II savait que c’était à cause de la brochure. Je ne lui répondis pas. Mais pendant que j’étais couché, enchaîné, je me rappelai ces autres paroles du Nouveau Testament (Injil):

« Que votre cœur ne se trouble pas. Croyez en Dieu et croyez-en moi ». (Jean 14,1)

« Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira ». (Jean 8,32)

Etait-ce une manière de me moquer de moi-même tandis que je regardais mes chaînes et que je me rappelais ces paroles de Jésus? Peut-être dans une telle situation, expérimente-t-on mieux le réconfort de Jésus. Il était très près de moi, plus près même que lorsque je lisais secrètement dans la forêt ces paroles du Nouveau Testament (Injil).

DIEU ME DELIVRE

Au bout de six semaines, je m’échappai avec l’aide d’un cousin, parent de ma mère. Un jour, alors qu’il n’y avait personne à la maison, il força mes chaînes. Après cela, on me laissa libre, car personne ne voulut m’enchaîner à nouveau. En fait, ma famille et mes proches me traitaient à nouveau avec amabilité. Je restai encore quinze jours à la maison, me demandant: pourquoi devrais-je continuer à vivre dans une maison et une communauté qui éveillaient en moi plus de peur qu’elles ne procuraient de paix. Aussi ai-je décidé de partir.

Un jour, après le repas de midi, en regardant le visage de ma mère mes yeux se remplirent de larmes, car elle ne connaissait pas mon projet. C’était le moment de mon adieu à la maison. Je dis à ma mère que j’allais prendre un bain dans la citerne; c’est ainsi que je quittai la maison. (Que Dieu me pardonne ce mensonge et tous les autres que je n’aurais jamais dû dire!) Je parcouru près de 10 milles (env. 15 km) à pied jusqu’à une gare où je pris un train pour la ville de Calicut, située à 30 milles (env. 45 km) de là. Je devins un vagabond. Je finis par trouver un travail dans un magasin de thé. Mais ma vie continuait à être très troublée.

Plus tard, j’appris que, pendant mon emprisonnement, les chrétiens de Malappuram avaient partagés mes souffrances. Ils avaient prié pour moi, et essayé de trouver le moyen de m’aider, sans pouvoir y parvenir. A cette époque-là, on attaquait mes amis chrétiens en les dénonçant nominativement, par haut-parleurs. Les chefs religieux musulmans commandaient au peuple de s’éloigner des bâtiments de la mission chrétienne et de retirer leurs enfants de la garderie. Des gardes étaient placés aux portes de la propriété pour veiller à l’exécution de ces ordres. Les musulmans n’étaient autorisés à entrer dans le dispensaire qu’à seule fin d’obtenir des soins. Cependant la situation redevint bientôt normale. D’autres haut-parleurs proclamaient ceci: « Cessons de nous préoccuper des chrétiens et portons davantage d’attention aux oeuvres d’Allah! » Ainsi, après quelques semaines, les difficultés prirent fin.

Bien que cela déplût au propriétaire du magasin de thé qui était musulman, je m’inscrivis à un autre cours biblique par correspondance. Je continuai à travailler dans ce magasin durant cinq mois. Ensuite, je quittai Calicut pour me rendre chez ma soeur, à Mysore, d’où je fis parvenir une lettre à George qui la partagea à mes autres amis chrétiens. Ils apprirent ainsi, pour la première fois, que Dieu m’avait délivré de mes liens. Je terminai ma lettre comme suit: « Je vais très bien. Je prie toujours la prière du Seigneur. »

Après avoir travaillé un an à Mysore avec mon beau-frère et dix-huit autres mois sur un navire marchand, dont le point d’attache était Calicut, je retournai à Malappuram. A cette époque, je rencontrai une nouvelle fois George et pus jouir de la communion de Monsieur le Pasteur Chellayan et son épouse, qui étaient heureux de me voir et me reçurent à bras ouverts. Il ne me fus pas possible de rencontrer le missionnaire; il était rentré dans son pays natal. De là, je retournai à Mysore où mon beau-frère me prit à nouveau avec lui pour l’aider dans son hôtel. Grâce à sa recommandation, j’obtins d’être engagé par le service du télégraphe, comme apprenti sur les lignes. Mais là, je fus touché par un autre malheur: des problèmes de hanche m’obligèrent à abandonner ce travail.

Je décidai donc de retourner à Malabar pour un traitement médical. A ce moment-là, George travaillait dans l’hôpital missionnaire; il contribua à ce que j’obtienne un examen médical. Le missionnaire, qui dans l’intervalle était retourné aux Indes, fut très heureux de me voir et me demanda de lui raconter tout ce qui m’était arrivé depuis le moment où j’avais été enchaîné jusqu’à mes derniers déplacements. Il me parla de toutes les personnes qui avaient prié pour moi; il me donna ensuite une lettre de recommandation pour un autre missionnaire qui pourrait m’aider à améliorer mon état de santé Grâce à ce missionnaire et à un docteur, je fus soigné à l’hôpital missionnaire de Vellore.

De retours de l’hôpital, je fus admis à participer pour trois mois à Mysore à une croisade qui oeuvrait de maison en maison aux Indes, distribuant des traités et partageant la bonne nouvelle de Christ. Lorsque ma soeur et mon beau-frère apprirent cela, ils furent très irrités et me firent savoir qu’ils ne m’accepteraient plus chez eux. Le missionnaire me trouva un logis chez un pasteur, le Rev. Parameswaran et sa famille à Gundulupet. Ce fut une merveilleuse expérience de passer ce temps avec eux et d’avoir, pendant quatre mois, la possibilité d’étudier la doctrine chrétienne. Après cela, je me joignis à une équipe de l’Eglise Evangélique Luthérienne, et pendant une année, nous distribuâmes de la littérature chrétienne dans plusieurs régions des Indes du Sud, en bibliobus. Dieu me conduisait ainsi dans son service.

Comme j’étais désireux d’étudier la Bible plus à fond, je m’inscrivis à un cours biblique de l’Ecole Biblique Concordia à Nagercoil, en juin 1970. Je me rappelle la joie profonde que j’ai éprouvée d’avoir eu cette possibilité d’étudier la Bible! Dans la bibliothèque de l’école, je trouvai plusieurs bons livres sur l’Islam, qui m’aidèrent à élucider beaucoup de mes doutes.